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De l’exil aux désastres : " la guerre m’a tout arraché. "

Bangui, 18 juillet 2024 – (ACAP) – Madame Mandazou, née Céline Djivo, âgée de 37 ans, femme au foyer, mère de trois enfants, mariée depuis dix ans à Monsieur David Mandazou. De retour au pays en 2022, après huit ans d’exil en République démocratique du Congo, elle a décidé finalement de témoigner le calvaire qu’elle a vécu depuis le matin du 6 décembre 2013 qui marque le début de la crise qui a opposé les chrétiens et les musulmans en République Centrafricaine.



De l’exil aux désastres : " la guerre m’a tout arraché. "
Nous sommes le 06 décembre 2013, juste une journée après la démission à Ndjamena au Tchad de Michel Djotodja, l’ancien président de la République, lors du sommet extraordinaire des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), consacré à la résolution de la crise entre les chrétiens et les musulmans de Centrafrique.

« Je me souviens comme-ci, c’était hier, j’ai encore dans ma tête des images qui continuent de hanter mes nuits », a témoigné madame Mandazou Céline.

Selon elle, le réveil de ce jour du 6 décembre 2013 a été inhabituel pour les habitants du quartier Gbaya-Dombia, un quartier périphérique du centre commercial du 5e arrondissement de Bangui, appelé communément PK5, majoritairement occupé par les membres de la communauté musulmane de Centrafrique.

J’ai vu des hommes armés de machette et d’armes légères s’entretuer, des corps sans vie joncher notre ruelle, des maisons incendiées et surtout des cris des femmes et des enfants qui s’élèvent de tout bord, c’était une atmosphère d’apocalypse.

Dans ce chaos, j’ai perdu de vue mon mari et mes deux nièces. Cependant, j’ai pris mes deux garçons et nous sommes partis nous réfugier dans la brousse de 8 heures à 13 heures du jour suivant. Nous avons ensuite erré pendant trois jours successifs sans trouver de quoi manger.

Au quatrième jour, j’ai décidé de retourner chez nous pour récupérer des réserves et de quoi nous protéger, et c’est là où j’étais tombée sur le cadavre décomposé de mon mari au milieu des décombres de notre maison.

Dans la nuit du 08 décembre 2013, alors que moi et mes deux enfants dormions en pleine lune sans protection, au même moment que les crépitements des armes s’accentuent, mon deuxième garçon commence à crier de douleur et à mon nom. Lorsque je me suis réveillée, j’ai découvert que les gens couraient dans tous les sens pour échapper à l’incursion des milices musulmanes qui poursuivaient leurs besognes afin d’exterminer les rescapés dont nous faisions partie.

« C’est à ce moment que mon deuxième garçon de 14 ans a été éventré et décapité par cruauté », a-t-elle témoigné.
Selon elle, la violence était tellement sans merci qu’elle a décidé de traverser avec son dernier garçon, la rivière Oubangui du côté de la République démocratique du Congo pour se mettre à l’abri.

Elle a regagné le camp des réfugiés ésotériques de Zongo, là où se trouvaient déjà plus de 20.000 personnes prises en charge par Médecins Sans Frontières (MSF) et le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR).

Malgré les conditions mises à notre disposition par les institutions humanitaires, c’était le début d’une lutte sans merci pour se nourrir et vivre convenablement, a-t-elle dit.

« Je suis obligée de me lancer dans l’agriculture et dans la cueillette pour nous permettre, moi et mon fils, de subsister », a-t-elle poursuivi.

Le 27 août 2016, alors que moi et mon fils sommes dans la forêt en train de cueillir des chenilles, un groupe de bandits nous a surpris et m’a violé devant mon fils. Par la suite, ils ont emporté mon fils avec eux. Jusqu’ici, je ne sais pas s’il est encore en vie ou pas.

Elle a confirmé qu’après cet événement malheureux, elle a regagné le camp des réfugiés où elle a expliqué les faits aux responsables du HCR et aux autres habitants du camp sans que ceux-ci n’osent lui proposer une solution, ni compatir avec elle.

Elle a donc décidé de s’inscrire sur la liste des rapatriés volontaires, puisqu’elle a tout perdu et le seul espoir pour elle, c’est de retourner dans son pays pour retrouver sa famille et reconstruire sa nouvelle vie, car dit-on « qu’on est mieux chez soi », d’après elle.

Le 19 juin 2023, les Gouvernements de la République démocratique du Congo (RDC) et de la République Centrafricaine se sont accordés pour rapatrier volontairement les réfugiés centrafricains.

« Notre rapatriement officiel s’était déroulé dans une ambiance de fête, car des hauts responsables des deux pays ont effectué le déplacement ainsi que plusieurs pour nous accueillir à notre retour », a déclaré madame Mandazou Céline.

Selon elle, ils sont au total 1750 réfugiés à regagner la capitale Bangui par la voie fluviale sur les navettes des éléments du bataillon amphibie.

Arrivée au bord de la rivière Oubangui, là où la cérémonie a été organisée, j’ai vu des familles qui sont venues accueillir les leurs. J’ai cherché parmi elles, mais je n’ai vu aucun membre de ma famille.
 
« Je n’arrive pas à reconnaître le visage de quelqu’un que je connaissais. Du coup, j’étais envahi par la tristesse et je me suis rapproché des responsables du HCR pour leur expliquer ma situation », a-t-elle martelé.

Elle a eu l’idée de se rendre dans son ancien quartier pour faire la surprise à sa famille qui n’était peut-être pas au courant de son retour. D’après elle, c’étaient exactement 13 heures 28 minutes que le véhicule du HCR l’avait déposé à l’entrée de sa ruelle. Cependant, elle n’arrivait pas à se retrouver, car l’environnement a totalement changé depuis son départ du pays.

Elle a expliqué qu’elle a pris son courage pour avancer dans sa ruelle, mais curieusement, les abords de celle-ci sont méconnaissables, car la nature a repris son droit sur un environnement dévasté par les protagonistes d’alors, aucune habitation n’est visible ni la leur. 

Et lorsque j’ai avancé jusqu’au niveau de notre concession, je me suis retrouvée face à un vaste espace de cimetière avec une partie occupée par des fausses communes.

J’étais terrifiée et ébahie face à cette scène horrible, je n’y pensais même pas. J’ai eu alors l’idée de me rendre chez le chef du quartier pour m’enquérir des plus amples informations.

C’est le chef du quartier qui m’avait expliqué que lors de ces événements, notre maison a été brûlée et notre concession servait de lieu de crimes et de cimetière des gens qui ont été assassinés, donc c’est impossible de revendiquer quoi que ce soit en ces temps-là, a-t-elle raconté à notre rédaction.

Ce qui est encore plus pire dans cette histoire, c’est que le corps de son mari qui a été calciné et celui de son neveu ont été inhumés dans leur concession qui a servi officiellement comme cimetière des dépouilles mortelles de la communauté musulmane.

Depuis lors, je vis chez des personnes de bonnes volontés qui acceptent de m’héberger pour attendre le programme de réinsertion promis par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR), a-t-elle poursuivi.
 
Selon Madame Mandazou Céline, elle meurt à petit feu chaque jour, car elle manque de tout, et qu’elle ne sait pas si elle survivra longtemps après tout ce désastre qu’elle a vécu. 

La seule option qu’elle envisage aujourd’hui, c’est de tout faire pour regagner son village natal, qui se trouve à Bakala dans la préfecture de la Ouaka à 300 kilomètres de la capitale Bangui. Peut-être là-bas, elle retrouvera certains membres de sa famille pour essayer de se reconstruire.


 
 
 
    
 

Jeudi 18 Juillet 2024
Estella KOGBESSOUA/ ACAP

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