REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
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UNITE – DIGNITE – TRAVAIL
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Discours de Son Excellence Faustin Archange TOUADERA
Premier Ministre, Chef du Gouvernement
A L’OCCASION DU LANCEMENT
DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
(Bangui le, 09 DECEMBRE 2009)
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
Demain 9 décembre 2009 sera célébrée dans le monde la Journée Mondiale de Lutte contre la Corruption.
La République Centrafricaine, à l’instar des autres pays du monde se félicite de la célébration de cette journée car elle n’est plus que jamais fortement engagée dans ce combat qui freine le développement de beaucoup de pays.
Le Gouvernement partage la conviction que la célébration de cette journée permet, non seulement, de saluer les actions mondiales engagées contre ce fléau qu’est la corruption,mais qu’elle vise aussi, la sensibilisation de l’opinion nationale sur les causes et les méfaits de cette gangrène et la formation d’une large alliance pour attaquer le problème difficile de la corruption, qui entrave la réalisation de l’objectif important que nous partageons tous, à savoir la libération de milliers de nos concitoyens du fléau de la pauvreté.
Mais, avant d’en venir aux contours et visages de la corruption, il convient de rappeler quelques évidences : il n’y a pas de corruption sans corrupteurs et corrompus.
La question se pose aujourd’hui de savoir de quel côté vient ce mal qui gangrène nos sociétés ? Vous comprenez aussi que le défi n’est pas de se quereller autour des responsabilités du phénomène.
Le défi, c’est de comprendre les facteurs qui favorisent la corruption et d’expliquer pourquoi, il est nécessaire et même vital pour un Pays comme la République Centrafricaine et un continent comme l’Afrique, de combattre la corruption sous toutes ses formes. Enfin, et c’est le plus important, comment combattre durablement et efficacement la corruption ?
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
La Lutte contre la corruption ne doit pas se limiter à l’indignation morale ou à la dénonciation outrée.
Une des conditions pour la vaincre, sinon pour la réduire significativement, est de disposer d’une Administration efficace et performante, avec des agents vertueux, des conditions décentes de vie et de travail, des règles transparentes de recrutement, de promotion, de sanction des fautes et de récompense du mérite.
En somme, une Administration apte à impulser le développement, une Administration au service des citoyens.
Une Administration dont les responsables ont comme souci principal l’avenir de la République Centrafricaine et de ses enfants.
Une Administration dont les cadres savent que chaque acte de corruption est un manque à gagner pour les jeunes qui veulent travailler, pour les filles et garçons qui veulent aller à l’école, pour les Centrafricaines et Centrafricains qui veulent se soigner, pour les travailleurs qui aspirent à l’amélioration de leurs conditions de vie.
Il s’agit donc d’une prise de conscience individuelle et collective. Aussi, c’est chacun de nous qui est interpellé en des termes très simples : au-delà de ma personne et de mes intérêts individuels, quelle est mon ambition pour la République Centrafricaine ?
Autrement dit, qu’est-ce que je fais chaque matin pour faire avancer mon pays ? Pour donner à mon pays les raisons et les moyens de préserver sa dignité ? Pour être fier de servir et non de me servir ?
Certes, la seule responsabilité individuelle ne suffit pas. L’Etat doit aussi assumer sans complaisance ses responsabilités.
Il s’agit avant tout de gérer de façon transparente et efficiente les ressources publiques qui sont le patrimoine de toute la Nation, de tout un peuple.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
La corruption est aussi vieille que le monde. En effet, née avec la civilisation, elle a traversé les temps et la voilà qui menace les assises même de nos nations. Les dégâts qu’elle provoque ont un impact amplifié et beaucoup plus nuisible dans les Etats peu nantis comme la République Centrafricaine.
Dans nos pays, elle est effectivement la première cause d’érosion de deniers publics, d’aggravation de la précarité et de dégradation des mœurs.
La corruption favorise la grande criminalité allant du trafic de drogue au terrorisme, au blanchiment d’argent, à la traite des enfants, etc.
Elle met en péril la paix et la sécurité d’un pays, écorne son image de marque.
Dans les nations en émergence, la corruption est un facteur dissuasif pour les investissements étrangers, un frein au développement socio-économique et enfin un obstacle à la démocratie et à la cohésion sociale.
Cette véritable plaie de l’humanité contient les germes de l’autodestruction de notre société.
C’est pourquoi, nous devons continuer à mobiliser toutes nos populations contre elle, en investissant dans ce combat, des moyens humains, financiers et institutionnels adéquats.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
Comme vous le savez, il y a de cela environ deux ans, sous l’autorité de son Excellence le Général d’Armée François BOZIZE YANGOUVONDA, Président de la République, Chef de l’Etat nous avons engagé un ensemble de réformes et lancé des initiatives pour préserver nos deniers publics. On peut citer entre autres :
• La création du Comité National de Lutte contre la Corruption ;
• La mise en place, dès juillet 2008, d’un Comité chargé de procéder à la vérification des quittanciers au niveau de la Direction Générale des Impôts et Domaines, de vérifier et d’assainir la situation des Bourses et Pensions de retraite ;
• La réduction du seuil à partir duquel les Etablissements Publics sont tenus d’observer les règles de la concurrence en matière d’appel d’offre ;
• Le renforcement des moyens humains et financiers des structures de contrôle de l’Administration ;
• L’adhésion à l’ITIE (Initiative dans la Transparence des Industries Extractives)
• La création de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics etc.…
Malgré toutes ces mesures et avancées certaines, le fléau demeure. Je l’ai dit au début de mon propos : la corruption est un phénomène complexe, aux formes de plus en plus sophistiquées, mais surtout elle implique la loi du silence : corrupteur et corrompu sont des complices.
Aussi, chaque pas fait dans le sens de réduire la corruption, si minime soit-il, doit être salué à sa juste mesure. Chaque acquis doit être renforcé et intensifié.
La lutte contre la corruption est une lutte de longue haleine qui nécessite l’adaptation constante des principes de gestion des ressources publiques, des normes, des procédures, des mécanismes de contrôle et d’évaluation des structures en charge de la prévention et de la répression. Il ne suffit pas cependant de mettre en branle l’arsenal répressif.
Il faut aussi, en nous inspirant de nos propres expériences et des expériences pertinentes des autres pays, améliorer le cadre du travail de tous ceux qui sont impliqués dans la gestion des affaires publiques.
A cet égard, la célébration de la présente journée doit être une occasion pour nous à partir du principe de notre compétence en tant que dirigeants politiques, leaders du monde des affaires, intellectuels et universitaires, entre autres, à nous pencher sur les ressources humaines de notre pays.
Il n’est un secret pour personne que la qualité de la formation intellectuelle et morale des hommes et des femmes commis à des tâches de développement est un facteur important de la réussite de nos programmes. Il nous faut alors susciter un sursaut national, une mise en cause de certains de nos comportements, par rapport, non seulement aux exigences de l’Etat de Droit ; mais aussi à la nécessité d’accroître les ressources de l’Etat, de les sécuriser, de les Protéger et de les Utiliser exclusivement pour les Besoins du Développement du Pays.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
En prenant l’Initiative de mettre en place le Comité National de Lutte contre la Corruption, le Président de la République, Chef de l’Etat avait l’ambition d’instaurer un débat national pouvant amener toutes les couches de la population, à travers l’information et la sensibilisation, à une meilleure compréhension du phénomène de la corruption, sur sa nature et ses conséquences négatives sur le développement de la République Centrafricaine.
Cette prise de conscience doit déboucher sur une meilleure implication de la population dans la lutte contre le fléau, et favoriser l’émergence chez nos concitoyens d’une forte exigence par rapport à l’intégrité morale, à la sauvegarde du bien public et à la fourniture de services corrects et performants. Cette Dimension pédagogique est essentielle.
C’est pourquoi, un état des lieux de la corruption en République Centrafricaine doit être présenté dans un meilleur délai pour nous permettre de connaître tous les aspects du problème et les moyens de le résoudre.
Je sais pouvoir compter sur le CNLC qui a fait ses preuves et qui est entrain de suivre un plan d’action élaboré et approuvé.
Il nous faut, à présent, doter l’Etat de nouveaux mécanismes qui répondent mieux aux normes internationales de lutte anti-corruption. La ratification par notre Gouvernement en 2006 de la Convention des Nations Unies et de l’Union Africaine contre la Corruption, constitue un véritable tournant dans la modernisation de la stratégie de lutte contre la corruption.
Ces conventions définissent de nouveaux standards pour prévenir et punir les actes de corruption en privilégiant la participation de la société civile. Elles insistent par ailleurs sur l’éducation des populations.
L’adhésion de la République Centrafricaine à cet ambitieux instrument, doit donc se traduire par l’adoption d’une loi contre la corruption, qui intègre les nouvelles dispositions onusiennes et celles de l’Union Africaine.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
Le Gouvernement a enregistré des avancées sur le plan de la gestion des finances publiques. Les mesures drastiques de contrôle budgétaire et d’orthodoxie financière instituées depuis ces dernières années, portent leurs fruits.
Cette évolution positive se poursuit et sera renforcée par l’opérationnalité de la Cour des Comptes et l’Inspection Générale des Finances pour examiner les comptes publics et à veiller à la bonne exécution du budget de l’Etat.
Pour organiser la prévention et la répression de la petite et de la grande corruption, il est nécessaire de mettre en place un organe spécial dont la création et le fonctionnement seront déterminés par la loi et au sein duquel seront représentés les différents corps de l’Etat et particulièrement la société civile. Cette nouvelle institution aura pour objectif une tolérance zéro de corruption dans notre pays.
Je demande au CNLC d’intégrer cette vision stratégique dans les documents préparatoires des Assises Nationales prévues en 2010 pour la validation du Document de Politique Nationale de Lutte contre la Corruption.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
Il n’échappe à personne que certains cadres en qui le Gouvernement a placé sa confiance, au lieu de servir la population, vont eux-mêmes se servir d’abord, s’ingéniant à trouver les moyens pour spolier l’Etat.
La corruption, peu à peu, gagne du terrain et devient endémique. Utilisant des techniques savamment mises au point, les réseaux de corruption agissent dans l’ombre et organisent le détournement, à leur profit personnel, des maigres ressources de l’Etat.
Une partie de ces irrégularités est imputable aux Conseils d’Administration qui ne jouent pas bien leur rôle de contrôle. Pourvu qu’ils touchent leurs jetons de présence, ils se plient à toutes les volontés des Directeurs Généraux et oublient la nécessité d’un bon rendement de ces sociétés.
Mais Dieu merci une grande majorité des agents de l’Etat accomplissent leur travail avec dévouement, abnégation et honnêteté. Je tiens à leur adresser au nom du Président de la République et en celui du Gouvernement mes félicitations.
• Centrafricaines, Centrafricains
• Chers Concitoyens
Ce diagnostic synthétique de l’évolution de la corruption dans notre pays, nous invite à un sursaut salvateur pour relever ensemble le défi que nous imposent ces crimes économiques préjudiciables au progrès de notre nation.
Le renforcement de la lutte anti-corruption est un volet essentiel des réformes structurelles que je me suis engagé à conduire afin que les idéaux de bonne gouvernance, d’intégrité, de transparence, de respect de biens publics, de conscience professionnelle, et d’esprit civique soient notre aspiration commune dans la conduite des affaires de l’Etat.
La société nouvelle que nous voulons édifier doit être inspirée par des valeurs de moralité et d’excellence. C’est de cette façon que nous pourrons faire partager à tous les Centrafricains, les fruits de la coopération retrouvés, dans un esprit de solidarité et d’équité.
J’exhorte tous les fonctionnaires et les agents permanents, les responsables et les subalternes à changer de comportement et à rompre avec les mauvaises habitudes qui coûtent si chères à L’Etat.
La lutte anti-corruption est donc un enjeu national qui doit rassembler toutes les Centrafricaines et tous les Centrafricains.
Chacun doit prendre conscience de la gravité de ce phénomène. Le peuple doit être le premier à dénoncer les pratiques frauduleuses et des dispositions particulières doivent être prises pour la protection des dénonciateurs.
C’est dans la perspective de cette action collective que je demande au nom de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et en celui du Gouvernement que la célébration de cette journée soit consacrée à une forte méditation pour la constitution d’une coalition nationale contre la corruption.
Devant les conséquences graves de la corruption et des pratiques illicites, ma détermination ainsi que celle du Gouvernement à mener une croisade farouche contre ces maux doivent être bien comprises par tout le monde.
Personne n’est au dessus de la loi et tous les coupables, quels qu’ils soient, devront subir les rigueurs de la loi.
Cette action de salubrité publique serait un leurre si la corruption judiciaire n’est pas combattue avec la dernière rigueur.
En conséquence, la justice est appelée, elle aussi, à faire sa révolution morale et à conduire à bien le projet de modernisation que j’ai recommandé il y a quelques mois afin que la lutte anti-corruption devienne enfin une réalité dans ce département clé.
Au moment où s’annonce la reprise économique, nous ne pouvons permettre que nos efforts de bonne gestion soient contrecarrés par certains de nos compatriotes qui sont habités par l’avidité, l’esprit du lucre, les ambitions démesurées. Plus que jamais, il nous faut tourner la page des pratiques d’un autre temps.
Je voudrais profiter de l’opportunité qu’offre la Journée Internationale de lutte contre la corruption, pour adresser, au nom de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, et en celui du Gouvernement mes sincères remerciements à tous les partenaires au développement et particulièrement le Programme des Nations Unies pour le développement, la Banque Mondiale et la Coopération française pour leur soutien à notre combat contre la corruption.
Aux membres du Comité National de Lutte contre la Corruption, j’adresse toutes mes félicitations pour le travail déjà accompli et leur réitère le mot d’ordre que je leur ai adressé le jour de leur installation et les exhorte à un travail sérieux et fructueux et je souhaite de tout coeur que leurs travaux soient couronnés de succès pour l’avènement d’un Centrafrique digne et prospère.
Je vous remercie de votre attention.