Un témoin avait indiqué que le président Touré a quitté le palais présidentiel, en compagnie de sa garde rapprochée pour une destination inconnue.
Cette même source avait affirmé que la garde présidentielle déplorait la mort d'un militaire de la classe de 1994 et qu'il y avait des morts dans le camp du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDR) des soldats mutins, sans en préciser le nombre.
Dans un deuxième communiqué publié jeudi vers 10h50 (heure locale et GMT), le CNRDR a décidé de fermer "toutes les frontières terrestres et aériennes" et a demandé aux forces armées et de sécurité de rejoindre incessamment le CNRDR.
Déjà à 04h40, le CNRDR a déclaré sur la chaîne de télévision d'Etat que le régime du président Amadou Toumani Touré avait été renversé, tout en suspendant la Constitution et décrétant un couvre-feu de 0h00 à 6h00 (heure locale et GMT) "jusqu'à nouvel ordre".
Avec ce renversement, la Constitution est suspendue et toutes les institutions de la République sont dissoutes, a déclaré le lieutenant Amadou Konaré, porte-parole du CNRDR, lisant un communiqué de son organisation.
Dans le communiqué, le lieutenant Konaré a indiqué que les militaires mutins avaient décidé de prendre le pouvoir à cause de nombreux griefs à l'encontre du pouvoir du président Touré.
Il s'agit, selon lui, de l'"incapacité" du gouvernement à mettre des moyens pour combattre la rébellion au nord-Mali, des menaces sur l'unité nationale, l'incertitude sur la tenue des élections générales de 2012, et de l'"incapacité" du gouvernement à lutter efficacement contre le terrorisme.
Selon le communiqué, les mutins ont pris les "responsabilités", au nom de l'ensemble des forces armées et de sécurité du pays, pour mettre fin "au régime incompétent et désavoué du président Amadou Toumani Touré".
Selon le porte-parole, un gouvernement inclusif d'union nationale sera mis en place dans les prochains jours après une large concertation avec l'ensemble des forces vives de la nation, pour la tenue des élections dès que possible.
Les militaires qui revendiquent le pouvoir ont déclaré n'avoir aucune intention de le "confisquer" et se sont engagés à le rendre aux civils après des élections libres et transparentes.
Les Maliens estiment que le coup d'Etat est une "parenthèse inutile"
"Un coup d'Etat serait un recul dangereux et inacceptable pour le Mali, surtout à quelques semaines d'un scrutin présidentiel devant conduire à l'alternance politique". Ce sont des avis de nombreux Maliens interrogés au sein de la classe politique, la société civile et les intellectuels du Mali. Pour l'instant, les gens refusent de se confier ouvertement en attendant de savoir qui "détient réellement le pouvoir" .
"Cette bande de soldats et de sous-officiers vont interrompre notre exemplaire processus démocratique par une parenthèse inutile et conduire le pays dans une impasse politique aux conséquence inimaginables. Ce sont des aventuriers au service d'opportunistes tapis dans l'ombre et dont les intérêts sont menacés par l'alternance politique en vue", déplore Kader Toé, un chroniqueur politique.
"Il ne serait pas sage de la part des Maliens, surtout de la classe politique et la société civile, de suivre ces aventuriers. C'est mieux que personne ne les suive. Il est vrai que le président ne gère pas bien cette crise du nord, mais de là à nous faire reculer notre belle démocratie, je dis NON. Un putsch serait un retour à la case départ dangereux pour le Mali. Le Mali n'a pas besoin d'un coup d'Etat militaire à près d'un moi des élections présidentielles", pense Rose Touré, une experte en communication vivant en France.
Pour le Professeur Aboubacrine Assadeck de l'Université des Sciences et Techniques de Bamako,"ATT a fait pas mal d'erreurs stratégiques, politiques, communicationnelles, militaires, etc. Mais, il demeure notre Président... avec ses imperfections ! Cela est un fait indéniable ! Il est arrivé par le suffrage universel, laissons-le s'en aller par la même voie, si nous sommes dignes de la démocratie. Nous pouvons être à bout, mais nous n'avons pas le droit de mettre à bout nos institutions. Plus de 300 des nôtres ont donné de leurs vies pour que nous soyons plus matures, plus dignes, plus respectueux de nos institutions lors de la révolution de mars 1991 ! Ne pas être d'accord avec un président ne signifie pas détruire toute une démocratie et ce qui va avec, surtout quand le pays est en état de guerre ! L'arbre ne doit pas cacher pas la forêt! Et, croyez-moi la forêt est pleine de loups et de termites!".
La communauté internationale condamne le coup d'Etat
Après ce coup d'Etat, la France, ex-puissance coloniale, a appelé "au respect de l'ordre constitutionnel" et "condamne tout recours à la violence", et a invité les Maliens, "dans cette période cruciale, à préserver la démocratie au Mali".
Washington a pressé le Mali de régler la crise politique "à travers le dialogue et non la violence". Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, de son côté, a appelé "au calme et à ce que les doléances soient résolues pacifiquement".
Dans un communiqué publié jeudi, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) condamne "tous les actes de conquête du pouvoir ou de se maintenir au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels".
A Beijing, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Hong Lei a indiqué jeudi que la Chine espérait que les troubles au Mali cesseront au plus vite et que la situation retournera rapidement à la normale dans le pays.
Selon une source de l'ambassade de Chine à Bamako, trois restaurants gérés par des ressortissants chinois ont été pillés dans la nuit de mercredi à jeudi durant la mutinerie qui s'est transformée en un coup d'Etat. Aucun Chinois n'a été tué ni blessé pendant le pillage, a affirmé l'ambassade chinoise.
Le coup d'Etat a mis un terme au processus électoral dans le pays, le premier tour de l'élection présidentielle étant prévu le 29 avril.